Page perso de Loïc Dayot

Fonctionnement d’un espace public numérique

Tout est-il permis dans mon espace ?

jeudi 10 février 2011, par Loïc Dayot

« Fais pas ci, fais pas ça » chante Jacques Dutronc dans une célèbre chanson éponyme. C’est plutôt le parti pris inverse que celui de cette présentation : répondre aux interrogations de manière positive en décrivant les possibilités avant les restrictions. Cette présentation passe plutôt bien auprès des usagers des espaces publics numériques, c’est pourquoi nous l’adoptons.

Mise en garde : cette fiche n’est pas exhaustive, elle ne prétend pas se substituer à un conseil juridique ; son ambition se limite à susciter des questions et fournir des pistes pour y répondre.

I - Problématique

Les espaces publics numériques ne sont pas en dehors de la réalité. Ils évoluent dans un environnement juridique mouvant qui croise de nombreux aspects : informatique, établissement recevant du public, milieu professionnel et/ou associatif, propriété intellectuelle, commerce... Si le but de chaque animateur ou responsable d’espace multimédia n’est pas en premier lieu d’échapper à ses responsabilités, du moins devrait-il tenter de se protéger et de protéger ses usagers contre les embêtements en tout genre. Justement, c’est l’objet de l’établissement de règles.

La difficulté est encore accrue par la facilité des non initiés à confondre ce qui est possible avec ce qui est autorisé, surtout dans le monde immatériel de l’informatique et des réseaux. Une autre touche particulièrement la jeune génération qui a parfois du mal à fixer une limite entre la sphère privée et la sphère publique ; les retours de bâtons sont alors d’autant plus violents pour les fautifs qu’ils sont totalement inattendus. N’est-ce pas le rôle des espaces multimédia d’avertir les utilisateurs de leurs droits et par conséquent de ceux des autres.

II - Tout est-il permis par les usagers ?

On l’a dit en introduction, il n’est pas très compliqué de faire comprendre que tout ce qui est possible n’est pas forcément permis, mais il n’y a là rien d’évident pour les utilisateurs en particulier en raison de l’aspect virtuel ou immatériel du numérique. Les animateurs des espaces publics numériques ont avant tout un rôle pédagogique.

**Ai-je le droit de copier et de télé(dé)charger ?

La réponse est généralement oui, sous certaines réserves.
Quand on pense à copier, on pense d’un côté aux contenus culturels et artistiques, d’un autre côté aux logiciels.
Certains contenus sont soumis à des licences d’utilisation ou d’exploitation. Par défaut, les œuvres originales sont protégées par les droits d’auteurs. La plupart des œuvres musicales, vidéos, multimédia ne permettent que de les consulter, quelques fois de les changer de support, mais pas de les redistribuer. Quelques fois, les droits sont soumis à une contrepartie financière. Il faut bien regarder la licence d’exploitation pour savoir quels droits les auteurs ont désiré accorder sur leur œuvre. On peut observer par exemple si un contenu est placé sous licence Creative Commons ou sous Licence art libre par exemple.

Les logiciels sont protégé par le code de propriété intellectuelle et du droit d’auteur. Chaque logiciel est placé sous une licence particulière. Il en existe un nombre trop important pour les décrire en détail ici. Dans les grandes lignes, il faut différencier les licences suivantes :

 Licences libres ou libriciels
Ces licences confèrent aux utilisateurs des droits d’utilisation sans condition, de recopie et de diffusion des logiciels, ainsi que d’examen du fonctionnement voire de modification du logiciel. La diffusion doit être accompagnée par la possibilité d’accéder au code source (la recette du logiciel). Il existe plusieurs licences libres dont la plus connue est la General public licence (GPL).

 Licences propriétaires
Ces licences particulières confèrent moins de droits aux utilisateurs. Les utilisateurs ne peuvent pas examiner le fonctionnement du logiciel concerné ni le modifier ou l’améliorer où l’adapter à leurs besoins. Seuls les fabricants des logiciels propriétaires décident comment ils vont fonctionner et ce qu’ils vont devenir.

 Graticiels ou freeware et les partagiciels ou shareware
Les logiciels placées sous ces licences sont plus restrictives. Par exemple, leur utilisation est parfois limités à des usages non lucratifs ou à un contexte éducatif ou familial. La recopie et la diffusion n’est pas un droit automatique.
Les graticiels sont gratuits alors que les partagiciels sont soumis à une contrepartie financière, parfois après une période d’essai.

 Les autres
Chaque grand éditeur voire chaque logiciel dispose de sa propre licence. Quelque fois, un logiciel a même plusieurs licences différentes. Il faut aller regarder à chaque fois dans les détails. En général, l’utilisation de logiciels propriétaires des grands éditeurs permettent une utilisation sur un ou quelques postes, quelque fois restrictive ; la copie (pour son voisin) n’est pas autorisée.

La gratuité n’est pas un critère pour savoir si on peut copier un logiciel.

Avertissement : Si une copie illégale est réalisée dans un espace multimédia, il y a toutes les chances que ce soit l’espace qui soit fautif et non l’utilisateur. En effet, la jurisprudence « photocopie » indique que c’est le propriétaire de l’instrument qui est le copieur et non celui qui appuie sur le bouton.

La téléchargement est autorisé la plupart du temps, sous réserve que celui qui met à disposition le contenu numérique y soit autorisé. Le télédéchargement est équivalent à une mise à disposition. Il faut bien s’assurer avant de mettre en ligne sur un page web ou partager dans un logiciel de pair-à-pair qu’on a bien le droit de le faire.

**Puis-je consulter tous les contenus que je veux ?

Un usager d’un espace public multimédia ayant accès à Internet peut consulter presque tous les contenus qu’il vaut. Et la plupart du temps, à moins de chercher un contenu défendu, il y a peu de chance de tomber dessus. Ce constat n’empêche pas de prévenir la malchance, notamment pour protéger les mineurs de contenus inadaptés ou choquants.

Les restrictions sont habituelles : elles sont celles de la loi et celle de l’espace multimédia. Ainsi les contenus illégaux ne sont pas les bienvenus dans un espace. Il suffit en général de prévenir les usagers pour les éviter. Ils concernent les propos, images, vidéos racistes, pédophiles, appelant à la haine ou à la violence, au terrorisme, au suicide, etc.

De plus, l’espace multimédia peut restreindre les contenus en raison de leur peu d’intérêt pédagogique ou le risque de gêne de l’entourage. Par exemple, il est rare que les contenus pornographiques ou érotiques soient permis. Une solution technique telle un serveur mandataire filtrant (par exemple le système libre IPCop qui utilise squidGuard) peut empêcher la navigation vers certains types de sites. C’est une solution bien pratique mais , répétons-le, auquel doit s’ajouter un indispensable accompagnement des activités des usagers dans l’espace multimédia.

Les dispositifs de contrôle parental ou autres filtres pour la toile constituent souvent un premier moyen de limiter les contenus illégaux ou indésirables. Il ne sont jamais suffisants et doivent s’accompagner d’une information préventive et d’une attention des animateurs.

Il est parfois suffisamment efficace de demander à un mineur qui regarde sur le web des photos suggestives (par exemple issues de publicités) s’il ferait de même à côté de ses parents.

**Puis-je téléphoner avec mon cellulaire dans l’espace ?

Le bon sens voudrait qu’on réponde qu’il est permis de faire ce qui ne dérange pas les autres. Mais comme le bon sens et parfois le respect des autres et de leur travail n’est pas toujours le mieux partagé, l’établissement de règles propres à l’espace est très conseillé. Le règlement intérieur (ou charte d’utilisation) est le bon support pour établir ces règles.

Le règlement intérieur est un document qui devient effectif et opposable lorsqu’il a été validé par l’instance délibérante de l’organisme qui porte l’espace multimédia, par exemple, le maire de la ville, le conseil d’administration de l’association, etc. Ce règlement est en général construit en deux parties : les conditions générales et les sanctions.

Dans la première partie est l’occasion de présenter les services de l’espace et les conditions d’utilisation des ressources puis un rappel de la législation en vigueur. Certains règlements font également référence à la netiquette un ensemble de règles de conduite des usagers de l’internet.

La deuxième partie prévoit les sanctions en cas de non-respect des restrictions. Les sanctions sont de deux ordres : administratives et pénales, deux pouvant se cumuler. Les sanctions pénales sont du domaine de la justice. L’organisme pouvant engager des poursuite mais pas sanctionner. Les sanctions administratives sont du ressort de l’organisme de l’espace multimédia. Les sanctions administratives sont donc prises pour la personne morale par l’organe qui a rendu officiel le règlement. Dans un espace multimédia municipal, c’est le maire qui doit prononcer une exclusion temporaire ou définitive d’un usager et non l’animateur sur place. Vous trouverez en annexe des références pour constituer un règlement intérieur.

Pour en terminer ici avec le règlement intérieur, sachez que c’est un tiers médiateur entre les usagers et l’animateur. Ce n’est pas l’animateur qui interdit, mais le règlement intérieur auquel sont soumis toute personne dans l’espace. Cette posture de la part de l’animateur peut éviter de se placer en face d’un usager dans un conflit direct qui pourrait ensuite devenir un conflit de personne.

Pour répondre à la question de l’usager : « puis-je téléphoner avec mon cellulaire dans l’espace », la réponse est que cela dépend des règles de l’espace. L’espace étant un lieu collectif d’activités diverses, pour ne pas gêner les autres, il est en général défendu de laisser sonner un cellulaire et de converser au téléphone. Par courtoisie, il est souvent demandé également d’éteindre complètement son cellulaire pendant les ateliers collectifs. A vous de voir.

Pour ce qui est de faire entrer les animaux dans l’espace, c’est en général défendu. Un animal n’a a priori rien à faire de l’informatique et il pourrait occasionner des peur ou des réactions allergiques. Amener une boisson ou un aliment dépend également du règlement. En général on évite toute nourriture ou boisson près des clavier d’ordinateur pour des raisons d’hygiène et de risques pour le matériel.

**Puis-je lire les fichiers des autres usagers qui sont sur le disque dur ?

Tout usager a droit à la préservation de ses informations personnelles dont font partie les fichiers informatiques. Si pour soi, on préfère que les autres ne consultent pas nos fichiers, il est logique d’agir de même.

C’est aux animateurs de l’espace de prévenir l’accès aux informations personnelles des autres usagers. Ils peuvent agir au niveau pédagogique et au niveau technique.

Prévenir les usagers de ne pas ouvrir et d’alerter les animateurs s’il trouvent des fichiers ne leur appartenant pas. Les usagers peuvent être invités à stocker leurs fichiers sur un support amovible comme une clé USB.
Au niveau technique, l’espace peut mettre en place des comptes nominatifs compartimentant les informations de chaque usager. Il reste alors à inviter les usagers à utiliser leur identifiant et à prendre soin de fermer leur session à la fin de leur activité. Si les comptes nominatifs ne peuvent pas être mis en place, alors il faut prévoir un nettoyage systématique des ordinateurs le plus fréquemment possible. Encore plus facile sans comptes nominatifs : activer la « navigation privée » des navigateurs web mis à disposition du public.

La loi prévoit des sanctions lorsque quelqu’un porte atteinte à l’intégrité des systèmes (fraude informatique) : suppression ou modifications de données, altération par des codes malveillants, attaque, etc. Il n’est pas inutile de le rappeler aux usagers.

**Puis-je exiger un accès en fauteuil roulant ?

Un espace multimédia est un espace ouvert au public. Il est donc soumis à la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées puis de loi handicap de 2005. Donc, l’espace doit être aménagé pour être accessibles à un fauteuil roulant, comme tout autre espace public.
La spécificité des espaces numériques est l’équipement informatique et son mobilier adapté. Prévoyez des plans de travail suffisamment haut pour laisser passer des accoudoirs de fauteuils.

Un espace multimédia ne peut pas prévoir tous les types de handicaps, mais au moins un minimum :
 Si l’espace dispose d’un site, faire en sorte qu’il soit le plus accessible possible
 Un grand écran orientable avec la possibilité de réglage de lumière et de grossissement de l’interface graphique
 Prise sortie audio voire mise à disposition de casque audio
différents pointeurs (souris, boule de commande (trackball), tablette graphique, manette (joystick)
 Possibilité de branchement d’un clavier braille (en général en USB)
 Prévoir des rythmes différents dans les activités proposées et une possible répartition des tâches par compétences au cours des projets de réalisation multimédia

Les animateurs n’ont pas forcément besoin d’une formation spécifique pour accueillir le public pour tous les handicaps, mais un minimum peut être entrepris grâce à du bon sens.

**Puis-je venir à l’espace multimédia sans prévenir mes parents ?

On peut faire le parallèle avec la piscine. Un mineur peut très bien s’y rendre sans ses parents. S’il vaudrait mieux qu’il en avertisse ses parents, c’est une question plutôt familiale que légale (l’usage est plus permissif que la loi). C’est ce que peuvent toujours conseiller les animateurs pour la venue d’un mineur dans un espace multimédia.

La plupart des espaces demandent une autorisation des parents ou tuteurs lors de l’inscription d’un mineur. Juridiquement sans grand poids, c’est néanmoins l’occasion de prévenir les parents que leur enfant est susceptible de venir et marquer leur adhésion aux conditions définies dans le règlement intérieur.

Ensuite, c’est à l’équipe d’animation du lieu de faire en sorte, par de l’information préalable voire l’établissement d’une charte spécifique, puis par de l’accompagnement lors des activités, de garantir la sécurité des mineurs. C’est aux animateurs de définir, en plus de ce que prévoit la loi, les activités qui seront adaptées/permises aux mineurs.

La mise à disposition ou non d’outils est une première réponse même si elle est insuffisante : respecter les conseils sur les boîtes de jeu, filtrer certains sites ou services. Le plus important réside dans la prévention (attention aux mauvaises rencontres ou aux informations divulguées sur internet par exemple) et l’accompagnement par les adultes.

**Puis-je publier mes photos ou parler de quelqu’un sur la toile ?

Plusieurs problématiques méritent d’être connues par les photographes qui publient leurs photos. Ce qui est indiqué ici pour les photos est évidemment valable pour les vidéos de plus en plus présentes sur le web.

En premier lieu, il faut être sûr d’avoir le droit de publier la photo. L’auteur a ce droit, qu’il peut donner à d’autres en le spécifiant explicitement au travers d’un contrat ou d’une licence. Conséquemment, mieux vaut penser à indiquer sur le site où la photo sera déposée quels sont les droits accordés au public. Si la photo est publiée sur un site proposant ce service, il est indispensable (et pourtant rarement fait) de lire le contrat de l’éditeur.

En second lieu, c’est le sujet de la photo qui est à questionner : les personnes qui y figurent sont-elles reconnaissables ? Si oui, alors il faut leur accord préalable par écrit, ou s’il s’agit d’une manifestation publique, leur avoir donné l’occasion de manifester leur volonté de ne pas être prises en photos.

Une photographie ou un texte qui donne une mauvaise image de quelqu’un, par exemple en la ridiculisant ou en la critiquant, n’est pas autorisée. De même, dévoiler des informations sur la vie privée est préjudiciable. Le bon sens suffit souvent à faire comprendre ces points : je dois respecter les autres comme je souhaite que les autres me respectent.

Une partie du public jeune et moins jeune fréquentant les espaces multimédia a du mal à saisir les conséquences de la publication sur la toile parce qu’elle n’a pas été sensibilisée à la frontière entre la sphère privée et la sphère publique. Aux animateurs de contribuer à y remédier avant que des élèves se retrouvent poursuivis parce qu’ils ont sali le nom d’un de leur professeur.

Notes

  Netiquette : La nétiquette est une règle informelle, puis une charte qui définit les règles de conduite et de politesse recommandées sur les premiers médias de communication mis à disposition par Internet.
Le document officiel définissant les règles de la nétiquette est la RFC 1855, diffusé en octobre 1995.
S’il ne fallait retenir qu’une règle : Ce que vous ne feriez pas lors d’une conversation réelle face à votre correspondant, ne prenez pas l’Internet comme bouclier pour le faire.
La netiquette en français : http://www.sri.ucl.ac.be/SRI/rfc1855.fr.html

  Formation aux différents publics : Nous vous renvoyons vers le guide Créatif « L’accessibilité aux TIC pour tous : l’accueil adapté de personnes handicapées dans un espace public multimédia » de Philippe Cazeneuve. http://creatif-public.net/rubrique19.html

III - Tout est-il permis par les animateurs ?

On pourrait dire que la liberté des animateurs s’arrête là où commence les droits des usagers. Et inversement. Quelle que soit la manière de formuler une question, la réponse s’applique aux usagers comme aux animateurs. Voici quelques questions couramment posées.

**Peut-on constituer un fichier des usagers ?

Pour le bon fonctionnement de l’espace numérique, les animateurs peuvent bien entendu constituer un fichier des usagers. Ces données sont en général nominatives. Par conséquent, la constitution et le traitement de ces données sont soumises à quelques obligations afin de protéger les usagers.
D’un point de vu procédure, vous devez déclarer votre fichier auprès de la Commission nationale informatique et liberté qui propose sur son site des modèles de déclaration. Si le fichier est entré dans un progiciel, le développeur ou l’éditeur du logiciel devrait être en mesure de vous présenter un modèle spécifique ou du moins toutes les informations spécifiques sur les personnes ainsi que les traitements effectués par le logiciel. La CNIL vous rappelle qu’il est indispensable d’informer les usagers de leurs droits, notamment d’accès et de rectification des informations sur demande.
Quelques règles sont à respecter qui sont de bon sens : limiter, protéger, détruire.

La première est de ne pas mettre n’importe quoi dans votre fichier. Par exemple, il n’est pas nécessairement utile de demander sa situation de famille, son revenu, son état de santé... Les commentaires des animateurs sur un usager sont possibles quand ils sont respectueux et présentent un intérêt pour l’usager et l’espace ; gardez à l’esprit qu’il peut demander à les lire.

Certains traitements peuvent être délicats : que les données soient croisées avec d’autres fichiers, communiquées à des tiers, utilisées pour envoyer des courriers ou courriels, dans tous les cas, il est important d’en avertir l’usager et qu’il ait donné son accord. Les statistiques sur les données sont souvent très utiles ; il suffit de prendre garde à ce que ces résultats soient anonymes avant de les communiquer. Le fichier doit également être protégé : clé et/ou mots de passe sont indispensables, voire cryptage.

Pensez aussi que ces données nominatives ne doivent pas être conservées plus de temps qu’il n’en faut pour le bon fonctionnement de l’espace. Il faut donc qu’existe un système d’archivage avec anonymisation ou destruction des données anciennes. En effet, à quoi servirait de conserver les informations sur un usager dont l’abonnement serait terminé et qui ne serait pas venu depuis plusieurs mois dans l’espace ?

Dans le cadre de la Loi pour la confiance en l’économie numérique (LcEN), il est demandé aux espace de conserver les données informatiques 12 mois. Si vous avez un fichier des passages des usagers dans vote espace, vous êtes concernés. Ce n’est pas la seule obligation de cette loi, nous y reviendrons un peu plus loin (usager anonyme).

**Peut-on surveiller les écrans ou les sites visités ?

La meilleure surveillance est de forme humaine. La présence des animateurs ne peut pas ête remplacée par des dispositifs techniques. Passez voir les usagers, c’est l’occasion d’apporter votre valeur ajoutée à un accès libre.

Les dispositifs de prise en main à distance ou de capture d’écran à distance sont prévus pour assurer des dépannages. Dans le cas d’un espace multimédia, il peut s’étendre à un accompagnement, mais cela doit partir d’une demande de l’usager. Le respect de la vie privée s’applique y compris dans un espace public ! Les VNC, SSH, RDP ou autre « Bureau à distance », ne doivent pas être utilisés pour surveiller les usagers, encore moins à leur insu.

Certains espaces utilisent cette capacité pour pouvoir diffuser sur un vidéoprojecteur ce qu’un usager a sur son écran au cours d’un atelier collectif. Pourquoi pas, mais l’usager doit donner son accord au préalable.
Quand aux sites visités, ce point a déjà été traité lorsque l’usager se demandait s’il pouvait consulter tous les contenus qu’il voulait ? Les animateurs n’ont pas à aller voir les historiques de navigation des usagers pour voir ce qu’ils ont vu individuellement, ils ne sont pas enquêteurs de police. De même est-il bien utile de recevoir un courriel d’alerte quand un utilisateur veut consulter un site filtré par le serveur mandataire de l’espace ? Que l’usager soit averti de cette interdiction est déjà bien suffisant pour qu’il comprenne le message. Là encore, l’animateur devrait plutôt passer voir les utilisateurs pendant leur navigation et éventuellement intervenir en cas de consultation de sites non conformes avec la loi ou le règlement de l’espace.

Cela n’empêche pas de faire des statistiques globaux sur les sites les plus visités par exemple (bien que l’intérêt soit plutôt limité).

**Un animateur peut-il mettre dehors un usager ?

Comme évoqué à la question « Puis-je téléphoner avec mon cellulaire dans l’espace », l’animateur est en première ligne mais doit aussi se préserver. Les exclusions temporaires ou définitives doivent être prises par l’organe qui a rendu exécutoire le règlement intérieur : le président de l’association ou son conseil d’administration, le maire ou le président de la communauté de communes, etc.

Les animateurs sont chargés de faire appliquer le règlement intérieur de l’espace, ils sont également garants de l’atmosphère propice aux activités normalement prévues. Parfois il faut réagir tout de suite. D’un autre côté, il ne s’agit pas de s’attirer dans un conflit personnel.

Les cas sont variés d’usager perturbant le bon fonctionnement de l’espace (en faisant du bruit), ne respectant pas le règlement (en venant en état d’ébriété par exemple), manquant de respect pour l’animateur ou d’autres usagers. Le plus souvent, les comportements problématiques sont le reflet de l’acceptation et de l’ancrage de l’équipement dans son quartier. Le respect n’est malheureusement pas donné et doit se construire avant même l’ouverture de l’espace si possible.

Les animateurs sont donc amener à intervenir en direct avec le droit pour eux, mais par forcément la force. En cas de doute, demander de l’aide est un bon réflexe. Assurez vous le soutien de vos collègues et des autres usagers. Leur demander d’être à vos côtés, même sans rien faire, lorsque vous rappellerez au perturbateur la règle ou lui demanderez de quitter les lieux s’il persiste, peut être précieux et suffire.

Il est également judicieux de prévoir à l’avance les cas difficiles avec le reste de votre organisation : l’accueil du centre de quartier, de la mairie... Si l’accueil sait que vous pouvez les appeler parce que vous avez un problème (et demander une intervention) est rassurant pour les animateurs, et ça se sent ! Heureusement, le cas est rare où le problème est difficile à résoudre en direct. Mais si cela arrive, mieux vaut écrire un rapport écrit des faits qui pourra être archivé et ressorti en cas de recours ou de récidive.

**Est-il permis d’accueillir un usager anonyme ?

Votre espace peut prévoir de recevoir du public en respectant son anonymat. C’est le cas des Points Cyb’ qui doivent respecter la charte nationale de l’information jeunesse garantissant cette possibilité. La déclaration d’identité peut parfois être problématique lorsqu’il s’agit d’information sur la santé, la sexualité, les drogues, les relations avec les parents, etc.

Les espaces multimédia peuvent donc recevoir du public anonyme, demander une déclaration d’identité ou la vérifier sur la base de la présentation de documents de résidence par exemple. Tous les cas sont possibles.

Le sujet se complique selon l’interprétation que l’on a de l’obligation de conservation des données techniques de connexion qui est faite aux fournisseurs d’accès à internet dont font parti les espaces publics numériques. Les espaces doivent conserver pendant 12 mois (par plus, pas moins) les données de connexion incluant les adresses IP internes (celles des postes clients), externes (adresses des machines accédées sur internet), date, heure et numéro port. Autrement dit, les « logs » d’un serveur mandataire pour le web est insuffisant, il faut recueillir les « logs » du routeur. De nombreux espaces multimédia ont installé à cette fin une solution libre de type IPCop sur un simple ordinateur disposant de deux cartes réseau. L’accès aux données de connexion doit être réservé aux autorités compétentes qui en feront la demande à la personne morale à laquelle est attaché l’espace.

En plus de ces données de connexion, la loi oblige à conserver également pendant 12 mois toutes les autres données que l’espace pourrait détenir : liste des usagers, enregistrement de l’utilisation des postes, inscriptions, etc.
Bien entendu, on aura pris soin d’effectuer une déclaration à la CNIL et de protéger toutes ces données (Cf. Peut-on constituer un fichier des usagers ?).

**Puis-je faire des démarches administratives ou un achat en ligne pour un usager ?

D’un point de vue responsabilité de l’animateur en cas d’erreur de manipulation, les situations sont tellement diverses (type de contrat, d’organisme, etc.) qu’il est bien difficile de conclure par une généralité.
D’un point de vue pédagogique, les animateurs ne sont là pour faire à la place des usagers. Ils devraient donner les moyens techniques, méthodologiques et l’esprit critique pour que ces derniers puissent effectuer leurs démarches eux-mêmes.

De ces deux aspects pourraient découler une conduite à suivre : ne pas tenir la souris, ne pas saisir au clavier à la place des usagers. Cette règle présente des avantages y compris en dehors des activités de démarches en ligne. Celle de laisser le contrôle et le sentiment aux usagers qu’ils sont capables et responsables de leurs actes, y compris dans le monde virtuel.
Si vous arrivez à établir des partenariats avec des services publics environnant, il est possible prévoir que des agents qualifiés et habilités accompagnent les usagers dans leurs démarches. C’est notamment utile lors de la déclaration annuelle de revenus, ou lors des changements de procédure de déclaration de situation de demandeur d’emploi.

**Peut-on filtrer les contenus web ?

Se référer à « Puis-je consulter tous les contenus que je veux ? »

**Peut-on dépanner les ordinateurs des usagers ou faire un site web pour le commerçant du coin ?


On pourrait faire le parallèle avec la question sur les démarches administratives ou l’achat en ligne. Le rôle des animateurs est moins de faire pour les usagers que de les aider à faire aux mêmes en tout conscience.

Au delà de ce principe, il y a la question du risque de concurrence avec le secteur privé. Si l’EPN vit tout en partie grâce à des financements publics, il se doit de ne pas venir en concurrence avec le secteur privé. A vous de juger si une activité que vous mettez en œuvre n’entre pas dans ce cas.

Rien n’empêche d’organiser un atelier pour apprendre aux usagers à comprendre comment fonctionne un ordinateur, diagnostiquer des pannes courantes, voire échanger des pièces. De même certains espaces organisent des ateliers de remise en état de matériel. Mieux vaut observer les offres privées de dépannage dans les environs avant d’envisager d’aller plus loin.
Il en est de même avec les sites web. La construction de sites web est plutôt encouragée dans les espaces multimédia, c’est une bonne manière de s’approprier l’internet et permet l’expression citoyenne. Pour autant, les animateurs ne réalisent pas un site pour un usager à sa place. La charte de certains espaces prévoient explicitement qu’ils ne peuvent apporter leur aide lors que la finalité est à but lucratif. Tout dépend du projet de départ de l’espace. En tout cas, il ne devrait pas être fait d’ombre aux agences de création de sites web.

**Puis-je utiliser des contenus pour des ateliers ?

Prudence serait la réponse la plus responsable.

Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit, y compris numériques. « Pour utiliser une œuvre protégée par le droit d’auteur, vous devez donc en obtenir les droits patrimoniaux (cession) ou l’autorisation auprès de son auteur ou de ses ayants-droit (concession, ou licence). »

Si une œuvre est protégée, il vous faut donc demander son autorisation à l’auteur ou trouver les moyens de le rémunérer. Pas très facile au quotidien dans un espace multimédia, pour un simple atelier d’initiation par exemple. Des exceptions sont bien prévues dans le cadre éducatif (mais les EPN ne semblent pas être concernés) et pour les bibliothèques, mais elles sont extrêmement restrictives.

Heureusement, il reste les œuvres du domaine public ainsi que les œuvres que les auteurs ont placé sous licence accordant certaines exploitation. C’est le cas des licences libres (FDL, Art libre...) et/ou des licences Creative Commons.

Des droits d’accès aux ressources sont également négociées par des réseaux, par exemple les ressources recensées sur le site de la délégation internet.

**Fournir un accès Wifi ?

Un espace numérique qui souhaite mettre à disposition un réseau WiFi peut le faire sous certaines conditions. Pour des raisons de respect de la confidentialité, il faut crypter les communications.

Pour des raisons de non-concurrence avec le privé, la portée ne devrait pas dépasser les murs de l’espace multimédia et/ou n’être ouvert que pendant les heures d’ouverture de l’espace. La portée du WiFi est en général de cent mètres en intérieur, mais passe rarement plus de trois murs épais. Certaines bornes permettent de régler cette puissance.

Par respect des obligations de la LcEN (Cf. Est-il permis d’accueillir un usager anonyme ?), il faut ne permettre l’accès qu’aux seuls usagers. Le mieux est de mettre en place un système d’identification avec un identifiant et un mot de passe par usager. Des prestataires vous en proposerons. Du côté du Libre, la solution d’un portail captif avec identification comme WiFiDog semble adaptée. Ce n’est pas la seule.

Ces conditions ne sont pas indispensables, mais alors l’espace fournisseur de réseau WiFi est soumis à d’autres règles définies par l’ARCEP : déclaration préalable, carence du privé, limitation de l’accès.


Notes

  Droit d’auteur : http://www.educnet.education.fr/legamedia/guide/droit-auteur/comment-utilise
  Domaine Public : Le domaine public regroupe les biens intellectuels qui ne sont plus protégés, au terme d’un certain délai, par les diverses lois liées au droit de la propriété intellectuelle. http://fr.wikipedia.org/wiki/Domaine_public
  Licences Libres : http://fr.wikipedia.org/wiki/Contenu_libre
  FDL : « La licence de documentation libre GNU (...), abrégée en GFDL, est une licence relevant du droit d’auteur produite par la Free Software Foundation. Elle a pour but de protéger la diffusion de contenu libre et peut être utilisée par chacun afin de déterminer le mode de diffusion de son œuvre. » http://fr.wikipedia.org/wiki/FDL
  Art Libre : « Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur. » http://artlibre.org/licence/lal
  Creative Commons : Creative Commons propose gratuitement des contrats flexibles de droit d’auteur pour diffuser vos créations. - http://fr.creativecommons.org/

IV - Ressources

 FDI Forum des droits sur Internet (clos depuis décembre 2010)
Recommandation du Forum des droits sur l’internet « Les lieux d’accès public à l’internet » - Publié le 22 janvier 2008

 Modèle charte/règlement

  • Charte de l’usager d’espace public numérique, Modèle de charte de l’usager d’espace public d’accès à Internet, élaborée par la DUI avec un cabinet d’avocats. Ce document précise les droits et responsabilités de toute personne utilisant les services proposés par l’EPN. Il est présenté sous forme de charte à faire signer par l’usager ou peut être intégré dans un réglement intérieur.
    Télécharger la Charte de l’usager d’EPN
  • Limiter les risques en EPN avec un règlement intérieur :
    l’exemple du règlement intérieur de du Centre Social de Montbrison.

 IPCop : Logs et filtrage
IPCop est une distribution GNU/Linux visant à fournir un moyen simple mais puissant pour configurer un pare-feu sur une architecture de type PC. Elle peut protéger sur une telle architecture un réseau d’un espace multimédia et permet de filtrer les contenus par une serveur mandataire (proxy).
Présentation d’IPCop sur Wikipédia
Site officiel (en anglais)

 Quelques lois spécifiques aux EPN

 La sécurité et Internet : Diaporama pour vulgariser la sécurité de l’ordinateur et les usages de l’Internet auprès du grand public.

 Comment protéger son ordinateur ? Dossier pour vulgariser la Sécurité de l’ordinateur familial et Internet auprès du grand public
Droit de l’Internet et Espaces Publics Numériques, dossier de ressources - Version 1.6 / En pdf, 15 pages. (2006)

 Responsabilité juridique des lieux d’accès public à Internet et au Multimédia En pdf, 32 pages. (2006)

Tour d’horizon préventif sur la responsabilité juridique dans le cadre du fonctionnement d’un lieu d’accès public à Internet.

 Responsabilité juridique des lieux d’accès public à Internet.

  • Les enjeux et les normes juridiques applicables à la gestion d’un ERIC... - En PréAO - Power Point, 23 diapos.
  • Guide juridique du responsable/animateur En pdf, 7 pages. (2007)
    Par la Délégation aux Usages de l’Internet (auprès du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche). Guide de référence pour les EPN. Points évoqués : Accès aux services de l’EPN (identification de l’usager, disponibilité des services, conservation des données de connexion) ; création d’œuvres ; données à caractère personnel (dispositions relatives à la collecte de données par l’EPN) ; contenus en ligne et responsabilité de l’EPN (accès aux contenus en ligne, responsabilité de l’EPN en tant qu’hébergeur, utilisation de la messagerie électronique, création de forum, site Internet de l’EPN).

 IMAJ’Auch, un EPN Cyber-Base proposant des fiches d’information internet et informatique et des ressources sur l’utilisation responsable de l’Internet

 Légajeu, jeu de l’oie en ligne pour tester ses connaissances sur la législation Internet


Voir en ligne : Article publié originellement sur le site des Jeudis des EPN


2010 - Jeudis des EPN – Loïc Dayot – CC BY-SA

Publié en premier sur http://jeudisepn.org/spip.php?article65

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.